Régime de retraite dans la construction : liberté individuelle ou protection collective ?
- Alex Méthot

- 16 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 avr.

Une sécurité imposée… ou une contrainte nécessaire ?
Alors que les marchés boursiers traversent une période de grande instabilité et que les perspectives économiques mondiales soulèvent de nombreuses inquiétudes, la question de la retraite refait surface avec force. Beaucoup s'interrogent : est-il préférable de bâtir seul sa stratégie d’épargne, ou de s’en remettre à un régime collectif, comme celui de la Commission de la construction du Québec (CCQ) ?
Dans l’industrie de la construction, la retraite ne repose pas uniquement sur un choix personnel. Elle est encadrée par des règles strictes issues des conventions collectives, qui imposent aux employeurs et aux travailleurs de cotiser à un régime commun. Ce système, à la fois critiqué et salué, soulève des questions fondamentales sur la liberté, l’efficacité et l’équité du modèle actuel.
Un effet amplifié par les hausses salariales récentes
Depuis les conventions collectives de 2021, une clause importante est entrée en vigueur : les hausses salariales négociées se traduisent directement par une augmentation des sommes versées au régime de retraite, même si les taux de cotisation (en pourcentage) demeurent les mêmes.
Concrètement, cela signifie que :
Plus le salaire horaire augmente, plus le montant en dollars cotisé augmente.
Sans avoir à modifier les taux, le régime reçoit automatiquement plus d’argent, année après année.
Cette mécanique fait en sorte que le régime bénéficie d’un financement de plus en plus important, simplement en suivant l’évolution des salaires dans l’industrie. C’est une manière indirecte, mais structurée, de garantir que les montants épargnés suivent la hausse du coût de la vie et des revenus.
Cotiser sans choix : un désavantage ou un filet de sécurité ?Régime de retraite
Contrairement à d’autres secteurs, le régime de retraite des travailleurs de la construction repose sur une obligation. Les employeurs doivent verser une cotisation déterminée selon le métier et le niveau d’apprentissage, et les travailleurs y contribuent également par une retenue salariale.
Cette structure garantit une équité concurrentielle : aucun entrepreneur ne peut chercher à réduire ses coûts en éliminant le régime de retraite. Cela protège à la fois les employés et les employeurs contre les abus et permet à tous de compétitionner sur un pied d’égalité.
Pour les travailleurs, l’avantage est clair : ils épargnent automatiquement pour leur avenir, sans avoir à faire un choix actif. Cela évite que certains, par manque de discipline ou par imprévision, se retrouvent sans ressources à la retraite.
Mais cette approche universelle a aussi ses détracteurs. Plusieurs estiment que le choix d’épargner — ou non — devrait revenir à l’individu.
Le débat de fond : peut-on se passer du collectif ?
Ceux qui critiquent le système obligatoire évoquent la liberté individuelle. Pourquoi imposer à tous de cotiser à un régime collectif, de suivre une stratégie d’investissement imposée et de se conformer à des règles strictes de décaissement ?
En contrepartie, si chacun devait assumer sa propre planification de retraite, est-ce que la majorité réussirait à épargner de manière aussi constante ? Rien n’est moins sûr. Le Québec s’inscrit dans une tradition socialement progressiste, où les structures collectives visent à éviter que les plus vulnérables soient laissés pour compte.
Ne pas forcer l’épargne impliquerait, à long terme, des pressions accrues sur les programmes sociaux. On peut y voir un parallèle avec la fable de la cigale et la fourmi : faut-il laisser chacun choisir, au risque d'en payer collectivement les conséquences plus tard ?

Des limites concrètes pour ceux qui veulent faire autrement
Un autre point important : les cotisations obligatoires au régime de la CCQ viennent gruger l’espace disponible dans les REER personnels. Le plafond annuel de 18 % du revenu brut s’applique à l’ensemble des cotisations enregistrées. Autrement dit, les travailleurs de la construction cotisent déjà à un régime qui occupe presque tout cet espace.
Résultat : ils ne peuvent pas utiliser des outils très populaires comme le REEP (retraite pour retour aux études) ou le RAP (retraite pour achat d’une première propriété), car leurs droits de cotisation sont déjà épuisés. Cela limite leur flexibilité financière à court ou moyen terme.
Régime à cotisation déterminée : un fonctionnement mal compris
Depuis 2005, le régime des travailleurs de la construction est un régime à cotisation déterminée (compte complémentaire). Il a remplacé l’ancien régime à prestations déterminées (compte général).
La distinction est importante :
Dans le régime actuel, les sommes versées appartiennent au travailleur et sont investies à son bénéfice. Le montant de la rente dépend du capital accumulé et des rendements obtenus.
Il n’est pas nécessaire d’avoir cumulé 35 000 heures pour y avoir droit — contrairement à une croyance répandue. Cette règle ne servait qu’à déterminer l’âge auquel un retraité pouvait commencer à retirer sa rente sans pénalité, à partir de 55 ans.
Chaque cotisant accumule son propre capital, et ce, peu importe la performance globale du régime ou le nombre de retraités.
Conclusion : sécurité, équité… ou contrôle personnel ?
Il est incontestable qu’un régime collectif avec contribution patronale représente une valeur ajoutée pour tout travailleur. Il s’agit d’un levier important dans l’évaluation de la rémunération globale.
Mais la question fondamentale reste entière : vaut-il mieux sécuriser une retraite stable via un régime collectif structuré, ou prendre le risque — avec plus de liberté — de gérer soi-même son avenir ?
Et si demain, ces cotisations n’étaient plus obligatoires, combien choisiraient réellement d’épargner de manière disciplinée et constante ? Combien recevraient encore l’équivalent de ce que l’employeur verse pour eux aujourd’hui ?
Au-delà du modèle en place, le débat reste profondément philosophique : voulons-nous bâtir notre retraite seul, ou faire confiance au collectif pour la garantir ?



Merci! Ça éclaire un peu plus sur le sujet. Je n'avais pas pensé qu'en obligeant les employeurs à verser un montant fixe pour chaque travailleurs, ça avait l'avantage de ne pas leur permettre de couper dans nos cotisations pour équilibrer leurs budgets ou leurs soumissions! (et personnellement, je crois vraiment que le régime collectif est préférable à un régime individuel. On n'aurait pas la discipline d'éargner autant. Moi en premier!)